
« Fé di bioous »
L’un d’Emilien Frossard, donné en 1846 sous le titre de «Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nîmes et ses environs à vingt lieues à la ronde ». Ce petit livre remarquable en tous points, mais introuvable aujourd’hui donne sur Marsillargues et les Marsillarguois les appréciations suivantes :
« Nous ne saurions taire le regret que nous avons éprouvé en apprenant que malgré les progrès sensibles du siècle vers des mœurs douces et polies qui se font ressentir au milieu de cette population, la coutume, je dirai plus, la rage des combats de taureaux s’y est conservée dans toute sa puissance ».
Le besoin d’émotions fortes et tumultueuses, un goût prononcé pour le drame de la rue et en plein soleil sont évidemment un trait particulier aux Bas-Languedociens. Ce trait survit à tout. Ce peuple a tour à tour passé par toutes les formes de gouvernement et par toutes les croyances religieuses ; tour à tour, il fut soumis à l’autorité des Druides, aux cérémonies pompeuses du paganisme, au joug des Sarrazins, aux dévastations des Bourguignons et des Compagnies ; tour à tour on l’a vu papiste et huguenot, mais toujours il a fallu courir le taureau Camargue dans les carrefours et sur les places publiques. A l’ouïe du hautbois, la population se précipite en foule vers la route des marais ; le taureau arrive et le peuple de rugir de cette joie féroce qui semble à la fois exhaler toutes les passions de l’âme ; on a peine à contenir l’impatience de la multitude et souvent la course commence à l’instant même dans la ville où le vil bétail se rue. Après ces moments de délire, qui correspondent aux folies du carnaval dans d’autres pays, tout rentre dans le calme de la vie laborieuse dont on ne connaît nulle part les charmes et les avantages mieux qu’à Marsillargues.
L’autre écrit dans le Guide du Voyageur dans le département de l’Hérault par J.M. Amelin en 1827 page 146 dit ce qui suit :
« II ne faut pas oublier qu’à Marsillargues on fait courir le taureau ou le bœuf ou la vache, car il en faut, vaille que vaille. Ces vaches quelques fois en fureur ne cessent de courir que quand tous les braves se sont couchés à terre. On les fait courir le long des rues ; c’est une amélioration propre à faire éventrer femmes et enfants, comme à Montpellier de jouer au Mail le long des chemins autour de la ville pour blesser les passants ; voyez comme tout se perfectionne. N’oublions pas non plus que le sang y est fort beau et que les nourrices de ce lieu y conservent constamment un prix plus élevé pour les nourritures qu’elles font ».
Tout commentaire affaiblirait la valeur de ces témoignages. On le voit les Marsillarguois ont de qui tenir et comme un bon sang ne saurait mentir, la « Fé di bioous » n’est pas près de disparaître dans la Cité de Campoul.
Paul Pastre
Article paru dans le quotidien Midi-Libre du 21-3-1950.